Partie 1 : Décollage et sortie de l'orbite terrestre
La NASA propose d'utiliser un seul lanceur afin de propulser les deux sondes spatiales simultanément. Cependant, les limites du budget de l'agence à la fin des années 1960 et au début des années 1970 conduisent à l'arrêt de la production des lanceurs Saturn. La NASA doit alors se tourner vers une autre solution.
C'est alors qu'est né le Titan 3E composé d'une version de Titan, antérieure à celle-ci -Titan 3D- surmontée d'un étage supérieur, Centaur. Ce-dernier ainsi que la sonde sont enfermés dans une coiffe de 4,2 mètres de diamètre. La NASA a besoin au cours des années 1970 de lancer des sondes spatiales lourdes à de très grandes vitesses. Son choix se porte ainsi sur ce lanceur.
La fusée Titan 3E peut lancer sur une trajectoire interplanétaire une masse de 5,1 tonnes. Cet appareil peut également propulser 3,9 tonnes vers la planète Mars et 300 kg vers Pluton. Sept lancements de cette version, dont un échec, ont lieu entre le 11 février 1974 et 15 septembre 1977. Voyager 1 est ainsi lancée au cours du 5 Septembre 1977 grâce a la fusée Titan 3E.
A) Forces en présence du décollage
Le décollage d'une fusée peut se décomposer en plusieurs étapes: la phase propulsée, la phase balistique puis la descente en parachute.
La première correspond au temps qui s'écoule entre le moment de la mise à feu et la fin de la combustion du propulseur. Cette phase se divise en deux parties: la fusée est tout d'abord guidée par la rampe de lancement, puis celle-ci se retrouve alors livrée à elle-même. Ce n'est qu'après l’extinction du propulseur que commence la phase balistique. Au cours de cette-dernière, la fusée est uniquement soumise à son poids ainsi qu'à la résistance de l’air. L'appareil exploite alors la vitesse acquise pendant la propulsion en vue d'atteindre son altitude maximale. C'est à ce moment que la sonde Voyager 1 est propulsée vers l'espace.
Néanmoins, la fusée n'est pas contrôlée depuis le sol et ce fait n'est pas particulièrement connu. Cette-dernière est, en effet, entièrement automatique. Les propulseurs se détachent du corps principal de la fusée. L'étage contenant la sonde peut donc conséquemment s'ouvrir, ce qui permet ainsi à Voyager de commencer se grande aventure spatiale. Après la culmination, l’engin commence à retomber. La phase balistique se poursuit alors jusqu’à l’ouverture du parachute.

Au cours du vol la fusée se voit soumise à trois différentes forces: le poids, la résistance de l'air ainsi que la poussée du moteur.
Le poids P s'exerce sur le centre de gravité de la fusée, puis est dirigé verticalement vers le bas. Si la fusée n'est pas verticale, une décomposition sur ses axes est effectuée.


La poussée correspond à la force exercée par l'accélération du gaz grâce à un moteur dans le sens inverse de l'avancement. Donc la poussée F débute au moteur et se dirige ensuite vers l'ogive de la fusée. Cette poussée peut varier selon l'altitude et se calcule grâce à la formule suivante:
F= F0 + A1 . (P0-Ph) tel que :
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F est associé à la poussée à une altitude donnée
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F0 la poussée au niveau de la mer
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A1 l'aire de sortie de la tuyère*
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P0 la pression au foyer
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Ph la pression à l'altitude donnée
*La tuyère correspond à la section placée à la sortie du propulseur de la fusée et qui transforme l'énergie cinétique en énergie de gaz à combustion.

Un moteur-fusée fonctionne en produisant des gaz grâce à une réaction chimique. Ces-derniers ne s'appuient pas sur l'air, contrairement à certaines croyances sur le fonctionnement d'une fusée. Cela est un phénomène d'action et de réaction.
La meilleur preuve n'est-elle pas le fait que la fusée avance même dans le vide de l'espace? Afin de mieux comprendre le phénomène, il convient de l'illustrer à l'aide d'un exemple simple (voir partie 2 pour plus d'explications). Un homme est sur une barque mais a malheureusement perdu ses rames. L'eau sur laquelle son embarcation flotte est tranquille: aucun courant ne pourrait faire bouger la barque. L'individu n'a pas le droit de toucher l'eau.
Des pavés sont présents dans la barque. Si cette personne jette ceux-ci vers l'arrière, la barque avance alors vers l'avant. L'air n'est pas un facteur déterminant. Le simple fait de pousser ces objets éjecte l'embarcation vers l'avant. Ainsi, les molécules gazeuses d'un moteur-fusée peuvent être associés aux pavés mentionnés précédemment. Ces molécules sont, en effet, éjectées à grande vitesse et en grande quantité.

La résistance de l'air R s'oppose à l'avancement de la fusée. Cette grandeur dépend essentiellement du vent. La fusée se déplace moins vite en présence d'un vent de face qu'en présence d'un vent qui lui est favorable. Il existe également un vent appelé « vent vitesse ».
Lorsqu'un objet se déplace à une certaine vitesse, ce-dernier effectue ce mouvement en présence d'un vent qui se positionne dans le sens contraire. Cela peut notamment être constaté lors d'une course à pied. Plus la vitesse est importante, plus ce vent est conséquent. La résistance de l'air dépend du vent relatif qui correspond à la somme du vent vitesse et du vent météo.
Cette résistance s'applique en un point appelé Centre de Poussée Aérodynamique -CPA dans le schéma-. Le centre de poussée aérodynamique est situé dans la majorité des cas, près des ailerons d'une fusée. En outre, cela dépend de la géométrie de celle-ci. La résistance de l'air comprend deux composants.

Avec :
-
Ra la Traînée: la force qui s'oppose au mouvement d'un corps dans un liquide ou un gaz.
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Rn la Portance: la force qui permet à un objet de s'élever et de se maintenir en altitude.

La fusée est soumise au cours de son vol à trois forces:
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Son poids
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La poussée
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La résistance de l'air

L'évolution de ces trois forces réagit sur le comportement de la fusée:
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La stabilité, définie par le mouvement de l'appareil autour de son centre de Masse
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La trajectoire, définie par le mouvement du centre de Masse de la fusée dans l'espace
Les graphiques suivants correspondent à une analyse de l'évolution des forces lors du vol de la fusée:


B) Stabilité en vol
La stabilité d'un lanceur en vol est définie par sa capacité à rester dans son axe de poussée. Ce-dernier correspond à l'axe le plus favorable de tous. La stabilité s'obtient ainsi grâce au placement du centre de poussée aérodynamique qui doit être suffisamment en arrière du centre de masse. Le vent est la seule perturbation externe qu'un lanceur peut rencontrer en vol. Ce facteur arrive sous forme de fortes rafales de puissances diverses. Une forte rafale peut ainsi déplacer légèrement la fusée de sa trajectoire initiale, sans pour autant lui imposer une incidence.
Un lanceur est en incidence lorsque son axe longitudinal n’est plus dans l’axe de sa trajectoire. La trajectoire de la fusée est corrigée sur l'ensemble de la durée du vol. Nonobstant, la rafale peut se révéler être assez puissante. C'est alors que le lanceur voit sa coiffe arriver dans une zone où un vent important est présent. Sa base se pose dans une zone plus calme -ou inversement-.
Le lanceur va alors légèrement tourner autour de son centre de masse, ce qui est à l'origine d'une incidence. Néanmoins, certaines corrections doivent être vite apportées au lanceur pour éviter une déviation de la trajectoire initiale conséquente. Le vent se présente comme un facteur déterminant au cours des deux premières minutes du décollage. Ces deux minutes sont, en effet, celles qui amènent le lanceur à 100 km d'altitude. Le vent y est absent.
Les conséquences d'une rafale de vent qui impose une incidence à Titan IIIE sont les suivantes:
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La traînée augmente car la surface de vent qui couvre le lanceur est plus grande
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La résistance de l'air qui était dirigée vers le bas, dans l'axe du lanceur, dépend alors de la nouvelle position du lanceur
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Si le centre de masse se situe devant le centre de poussée aérodynamique: la rafale entraine la rotation du lanceur autour de son centre de masse. Cela ramène conséquemment l'appareil sur sa trajectoire
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Si le centre de masse se situe derrière le centre de poussée aérodynamique: cette force entraîne une rotation du lanceur autour de son centre de masse. Cependant, l'appareil s'éloigne de sa trajectoire et amplifie l'incidence.
C) Se libérer de la gravitation
L'ensemble des objets de l’Univers s’attirent entre eux. Cela dépend des masses des objets concernés: celui ayant la masse la plus élevée attire les autres. Cela correspond à la loi universelle de la gravitation. Celle-ci est à l'origine de l'ordre des planètes du Système Solaire. Cette loi permet également aux individus de maintenir leurs pieds sur le sol.
En outre, ce phénomène s’atténue lorsque l'on s’éloigne de l’objet massif. Cela peut notamment s'illustrer par l'exemple suivant: après 32 km de hauteur, l'attraction terrestre diminue d'environ 1% . Pour réussir à se libérer de l'attraction terrestre ainsi vaincre la résistance de l'air, il est nécessaire de déployer une force importante, maintenue au cours d'une longue période.
Afin de mettre un objet en orbite autour de la Terre, ce-dernier doit se déplacer à une vitesse de 7,8 km/s. Une vitesse de 11,2 km/s est indispensable pour partir sur une trajectoire de fuite: cela correspond à la vitesse de libération ou à la vitesse d'évasion. Cette-dernière est calculée en fonction de l'altitude. Ainsi, c'est à 36 000 km d'altitude que cette vitesse ne vaut plus que 4,3 km/s.
Une des seules machines capables de remplir ces conditions s'avère être le lanceur: cela est à l'origine du choix de la NASA. Le rôle de cet appareil est d'emmener la sonde dans l'espace, mais également de lui donner une vitesse suffisante afin d'échapper à la gravité de la Terre. La NASA choisit à cette époque le lanceur Titan III E.
Le principe d'un lanceur est particulièrement simple. Ce-dernier doit accompagner la sonde jusqu'à l'espace, où il est en mesure de lâcher celle-ci. Titan IIIE possède deux boosters attachés à son corps principal. Afin d'éviter les poids morts dans l'espace, ces boosters se séparent du corps principal lors du décollage après avoir fini leur travail: vider leur énergie.
Cela s'illustre notamment par le fait suivant: Soyouz pesait 336 tonnes au moment de son décollage. Ce n'est qu'après la séparation des boosters qu'il ne pesait plus que 135 tonnes. Ainsi, c'est en moins de deux minutes que le lanceur a perdu plus de la moitié de sa masse. Après la séparation des deux traverses arrières qui relient les boosters au corps central, la base des boosters s'écarte progressivement.
Ces-derniers se dégagent mécaniquement des points d'attelages, situés à la pointe de la structure conique. Après avoir environ parcouru une centaine de kilomètres, il n'existe plus d'atmosphère, ni de frottement, ni de pollution. La coiffe se révèle être alors inutile. cette-dernière est "éjectée" du corps principal du lanceur, qui ne fait que s'alléger.

TITAN IIIE avec Voyager 2

Le lanceur Soyouz-Fregat de la sonde Gaia
sans ses boosters ni sa coiffe.
Le lanceur n'est pas le seul à participer à l'impulsion initiale donnée aux sondes. Voyager 1 ainsi que d'autres engins spatiaux lancés à destination d'autres planètes profitent avant tout de la vitesse de révolution de la Terre autour du Soleil et non pas de la vitesse fournie par le lanceur.
La terre avance, en effet, sur son orbite à une vitesse d'environ 180 000 km/h. La vitesse d'une sonde sur un repère héliocentrique représente la somme vectorielle de la vitesse de la Terre autour du soleil (180 000 km/h) et d'une partie de la vitesse fournie par le lanceur. Après être arrivé au déplacement équivalent à 11,2 km/s nécessaire pour s'extirper de l'attraction de la Terre, la vitesse restante est entièrement dédiée à la sonde Voyager 1. Celle-ci se déplace alors vers Jupiter.
Lors du lancement, il est indispensable de tirer profit de la vitesse que fournit la Terre lors de sa rotation sur elle-même, ainsi que de sa révolution autour du Soleil. Le choix de la base de lancement influe directement sur la quantité d’énergie à fournir. Un objet situé à l'équateur se déplace, en effet, à une vitesse de 1 650 km/h par rapport au centre de la Terre. Néanmoins, un objet identique géographiquement proche des pôles, se déplace a une vitesse quasiment nulle.
Ainsi, il peut paraître indispensable de trouver le moment opportun pour lancer Voyager 1 dans l'espace. En outre, ce-dernier ne correspond pas au moment où deux planètes se retrouvent face à face. L'ensemble des planètes se déplacent les unes par rapport aux autres. La planète visée n'est donc plus au même endroit lorsque Voyager coupe sa trajectoire. Des calculs précis selon la vitesse de la sonde et la position des planètes pour s'approcher de Jupiter doivent être effectués.